Les familles ont été choisies en fonction de profils statistiques détaillés et reflètent fidèlement les caractéristiques propres è chaque pays. Si, par exemple, la majorité de la population d’un pays est rurale, la famille choisie pour le représenter sera rurale. Urbaine? La famille sera urbaine et percevra le revenu familial moyen. Le nombre d’enfants correspond è la moyenne nationale. La maison familiale devait aussi représenter l’architecture et le niveau de vie prédominant dans le pays. Si la majorité vit éloignée des routes, je vais marcher pour trouver ma famille. Si la majorité a de l’eau dans la cour et non pas dans la maison, je vais aller prendre une famille qui a de l’eau dans la cour car cela change tout dans la vie familiale. Avoir de l’eau dans la maison donne beaucoup de liberté aux enfants. Autant que possible, j’ai choisi des couples dans des tranches d’âge similaires car, dans plusieurs pays, les différences entre générations sont extrêmes.

D’autres facteurs influencent également le style de vie : l’accès à l’électricité, à l’eau potable et aux routes principales. Les problèmes majeurs d’un pays doivent aussi être pris en considération : la déforestation, la surpopulation, la migration vers les villes, les inégalités des classes sociales, la propriété terrienne. Il est constructif de regarder une carte géographique quand on essaie d’imaginer qui y vit, quels sont les climats et la topographie. La vie est bien différente en altitude, sur un littoral, dans le désert, dans les pays affectés par la mousson, dans les villes, dans les villes de 10,000, 100,000, de 1 ou 10 millions d’habitants. Après avoir compilé cette information et trouvé les réponses à mes questions, je suis prête à commencer ma recherche de la famille.

De telle données sont très révélatrices de la personnalité d’un pays. Elles sont reliées aux conditions de vie de chacun d’entre nous. Ainsi, lorsque je me retrouve dans un pays où il n’y a pas de données indiquant le nombre de jeunes de seize ans qui fréquentent l’école, ou sont au travail ou au chômage, parce que cette recherche n’a pas été menée, je ne peux m’empêcher de me demander : «Que fait ce pays pour ces jeunes?»

Quand toutes les informations me guident dans une région spécifique du pays, le personnel des Nations unies établit un contact avec des professionnels locaux qui travaillent sur le terrain.

Fréquemment, des sessions de groupes furent nécessaires pour établir les caractéristiques principales et trouver celui ou celle qui connaissait sa communauté de manière suffisamment intime pour frapper aux portes et me présenter aux familles. Souvent ce sont des enseignants ,des infirmières, des médecins. Si la personne qui m’accompagne lors de ce premier contact jouit de la confiance de tout le monde, je bénéficie alors presque spontanément du même traitement. C’est un élément crucial puisqu’en général les familles n’ont pas été avisées de mon arrivée.

Lorsqu’il est nécessaire de recourir aux services d‘interprètes, je leur demande de limiter leur présence à quelques heures par jour afin d’être seule avec la famille le reste de la journée. Il se trouve toujours quelques étudiants de niveau secondaire qui se font un plaisir de venir pratiquer l,anglais et cette lutte pour essayer de se comprendre nous procure è tous des moments exceptionnels. Même s’ils appartiennent au même  pays, j’ai souvent eu l’impression que la présence des interprètes rend la famille mal à l’aise. De plus, comme les interprètes proviennent généralement de la ville, j’ai constaté que presque partout ils éprouvent de la difficulté à vivre dans la simplicité et la pauvreté de leur propre environnement rural.

Nous visitons trois, quatre, cinq familles et puis j’en choisi une. Je pose mes sacs Une journée, je suis la femme, une journée je vais suivre l’homme et l’autre journée je vais suivre les enfants et je mets toutes ces journées-là en une. Si je passe de deux à trois semaines par pays pour accomplir ma recherche, je passe quatre jours dans la famille. J’ai essayé cinq jours, mais c’est comme la belle-mère, c’est trop. J’ai appris que pour les Bédouins, les hommes du désert du Moyen-Orient, l’hospitalité est de trois jours. Après c’est comme un fromage qui commence à sentir fort! Il faut savoir arriver et savoir partir.

À tous ceux qui ont eu la gentillesse de m’aider dans cette recherche d,une famille « idéale », j’ai souvent dû paraître exigeante. Compte tenu des profils établis, j’insistais souvent pour trouver une famille qui comptait un enfant de plus ou de mois; une maison moins grande ou moins coquette!…ou même un chef de famille exerçant un autre métier. Aucune concession n’a été faite quant aux profils statistiques retenus, afin de donner une description fidèle de chaque pays, autant que faire se peut. J’ai tenu à respecter ces critères de manière que chaque lecteur puisse dire : »Si j’étais né dans cet autres pays, c’est ainsi que je vivrais! » Toutefois, si en dépit de tous ces efforts je constatait que la famille choisie jouissait d’un niveau de vie privilégié par rapport à la moyenne, j’ai toujours pris soin de le mentionner dans le texte.

Chaque pays des groupes minoritaires et on me demande toujours de les présenter. Il existe toujours des  opinions variées sur le sujet. Les gens en sont souvent fiers, en font facilement une attraction touristique. Mais, lorsqu’on observe de plus près, il existe peu de groupes minoritaires qui bénéficient de la possibilité de se développer à chance égales è l’intérieur d’une culture nationale. Les minorités sont un sujet en soir et ne font par partie de la cible du projet « Familles du monde ».

J’ai cependant tenu à faire quelques exceptions à ces critères de base. Parce qu’il s’agissait d,une caractéristique important et que les pays du Pacifique essaient de présenter tout èa la fois leurs coutumes traditionnelles et le développement, j’ai choisi de représenter les groupes traditionnels en Amazonie, à Vanuatu. J’ai également cru qu’il serait important d’ajouter un chapitre sur les nombreux groupes ethniques du Sud-Est asiatique réunis dans la région du Triangle d’or. C’est ce qui explique la présence de la famille Akha dans le chapitre sur la Thaïlande.

L’aristocratie est présente dans tous les pays, mais parce qu’elle revêt une importance capitale dans l’histoire culturelle de Bali, j’ai choisi de la représenter dans cette île d’Indonésie.

Il existe des millions de gens entassés dans les camps, dans l’attente que s’apaisent des conflits pour retourner enfin vivre en pais chez eux. Ils devraient nous rappeler quotidiennement qu’il existe autour de nous des personnes qui ont dû échapper à l’oppression, ou tout simplement émigrer pour pouvoir gagner de quoi nourrir une famille restée au pays. Il est dans mes intentions de vous les présenter un jour.

Finalement, en dépit des demandes répétées des agences des Nations unies, l’entrée en République populaire de Corée ne me fut pas accordée. Si une telle permission m’était accordée un jour, je serais heureuse d’inclure ce pays dans ma présentation