Je suis à Telavi, dans la région de Kakheti. Pourquoi Kakheti? Pourquoi aller à l’est de capitale et non à l’ouest? Je mets dans mon choix l’importance de cette région dans l’histoire du pays et un peu dans la nôtre. Elle représente l’économie passée et celle de l’avenir du pays. Le vin est là pour rester.
C’est une région qui n’a pas fait partie de l’Empire Ottoman. Information importante pour comprendre que l’attitude sera différente. L’hospitalité (un aspect important laissé par l’empire). Pour moi, elle a été l’hospitalité la plus épuisante.
Ici, l’invité est apprécié mais il n’est pas complètement roi. S’il dit non à un plat, on ne lui offrira pas une deuxième fois. Voilà une différence est-ouest, qui me convient très bien. Je n’aime pas ces longues heures à la table où l’on mange trop. J’ai besoin de bouger et mon corps préfère manger peu et plus souvent.
Quand Marco Polo est allé en Chine, la tradition d’alors voulait qu’il soit reçu par le gouvernement. On qu’en Géorgie, le visiteur est roi. Je crois qu’avec la quantité de touristes qui s’ajoute chaque année, cela risque de changer.
La définition de l’hospitalité qui me convient mieux serait celle-ci:
L’Hospitalité c’est l’ouverture:
– aux idées étranges,
– aux opinions jamais entendues,
– aux traditions étrangères,
– à la rencontre avec l’inconnu et
– aux faits souvent ignorés
L’origine du vin et du mot vin – ghvino
Je suis dans le pays où les archéologues ont la preuve que le vin été produit ici pour la première fois dans l’histoire. Du mot ghvino viendrait le mot vin.
Le vin, symbole du temps et des repas en famille et entre amis. Quand vous en avez dans votre jardin, cela peut aider au rêve d’une humanité détendue.
Quand, en plus, sous des températures subtropicales et tempérées, la nature vous a offert sa beauté sous la forme d’une chaîne de montagnes enneigées, d’une mer, de rivières et de jardins où abondent fruits et légumes, vous êtes vraiment bénis. La vie ne vous a pas laissé comme message que «travailler dur» devait être à l’ordre du jour.
En plus, les touristes qui se rendent dans ce jardin en toute saison, sont merveilleux. Ils viennent pour se détendre et non pas pour travailler. Les servir n’est donc pas un travail difficile et cela convient bien aux Géorgiens. Peut-être par manque de vocabulaire, certains disent d’eux-même qu’ils sont paresseux. Quand ils s’expriment mieux c’est plus l’envie de vivre doucement.
Tout cela serait parfait si les riches ne devenaient pas plus riches et les pauvres plus pauvres à la suite de cette manne de visiteurs. Si au moins, une classe moyenne importante pouvait en sortir. Elle grandit, m’assure-t-on. Oui, on transforme des chambres et vive le Airbnb et le booking.com. Chacun trouve une façon d’améliorer un peu son sort.
Ici, le futur est encore jeune. Il a encore besoin de faire ses preuves et son énergie me semble frileuse devant les grands espoirs qu’il miroite.
L’argent reste au gouvernement, là où sont les riches et ceux qui savent monter aux postes de hauts fonctionnaires. Si chez-vous on parle très fort d’entrepreneuriat, ici le gouvernement préfère importer que d’encourager son peuple à créer et à faire. Alors l’entrepreneuriat conscient va prendre encore un certain temps. Je retrouve ici, comme en Inde, et tant d’autres, pays, le rêve de devenir fonctionnaire. Qu’elle soit monotone la vie, mais qu’elle assure mes vieux jours! Puis deux siècles sous la domination russe et soviétique, cela laisse des traces. Corruption? On n’ose pas dire le mot.
Indifférence à son peuple, les têtes bougent, on est d’accord, me confirment les expressions. De là vient le doute si l’espoir tente de vous habiter.
Le plus grave est l’indifférence devant une population qui vieillit et qui est laissée à elle-même avec 200 lari (leg) par mois (90 $cdn). On ajoute, « heureusement, les vieillards seuls sont rares car il y a la famille pour en prendre soin.” Et là encore, le silence parle. Il avoue que parfois la famille n’est pas toujours l’endroit idéal pour recevoir les meilleurs soins. La famille, elle aussi est pauvre et chanceuse si elle a 300$cdn par mois pour vivre. Elle ne va pas offrir des lunettes, des dents et des pieds. On vieillit habillé de noir, dans un silence, qui est une langue en soi, appris tout au long de l’histoire tumultueuse. Sont-ils tolérants ou résiliants? Les deux peut-être. Ils sont gentils, aiment se retrouver entre amis et en familles pour lever leur verre à la paix, à la vie. Dehors dans la rue, ils ne sont souriants. Histoire de conflits et d’invasion? Une tradition trop lourde? De fortes idées conservatrices qui écrase la liberté et la légèreté? À qui puis-je donc sourire et ouvrir mon coeur?
Les promesses, les promesses.
C’est une année d’élection, on s’attend à des promesses et des cadeaux, mais le scepticisme éclaire les visages devant l’espoir que les choses changent. Le pouvoir travaille pour le pouvoir.
Nous n’avons rien, m’a ton dit. Nous avons juste le tourisme. Je suppose que c’est parce qu’il n’y a pas de pétrole, pas de gaz, pas de diamant?
Depuis mon arrivée dans ce beau et tout petit jardin abondant, rempli de potentiel, j’ai cette phrase en tête et elle ne me quitte plus. « Nous n’avons rien. » Il y a certainement des leaders sans visions qui ne semble apprendre des autres qui invente à si grande vitesse aujourd’hui partout sur la planète. Non, ici on semble vouloir des buildings.
Je me demande si pour un peuple de vivre confortablement le commerce avec l’extérieure est essentiel? Qu’est-ce que la vie sans exportations? Peut-être que ce dont nous avons le plus besoin c’est l’abolition des frontières et du bon voisinage. N’est-ce pas là l’élément premier qui a vu naître l’histoire du commerce? Aies-je besoin ici de bananes qui viennent de l’Équateur?
Un petit groupe de riches et un grand groupe de pauvre. Ici la classe moyenne est encore à naître mais prête à accoucher. Va t’on en faire une mort-née? Comment se construit une classe moyenne solide? Comment construire une classe moyenne au moment où dans l’histoire mondiale, la classe moyenne se fait écraser presque partout sur la planète?
Avec un exode trop rapide vers le grand centre, je vois les voitures qui s’entasse dans les rues et le scénario de la pollution qui va se reproduire ici. La quantité de fumeurs qui va engorger les hôpitaux et je me demande ce qu’un peuple doit faire pour ne pas répéter les erreurs des autres?
Je me sens en sécurité mais j’apprend que ce n’était pas le cas il y a 6 ans. La fin du régime soviétique a été très difficile et la rue n’était pas l’endroit où porter ses bijoux et ses beaux vêtements. Une main de fer est passé par là. Les prisons ont débordées.
Je suis bien mais cela fait 23 jours déjà que je suis là. C’est lent et mon petit budget s’inquiète. On parle peu l’anglais et ce matin on me présente trois interprètes et deux noms de famille/village.
Jeune est l’espoir pour moi aussi.
La famille urbaine plus tard. Elle ne sera pas facile à trouver: “Nous sommes très privés ici.” …
Un mois sur la route c’est le temps qu’il faut pour que l’esprit soit totalement dans le moment présent. Je suis maintenant d’ici.